Je me suis rendue au début de l’été en Haute-Savoie, autour de Manigod, dans la zone de production du reblochon, de la tomme de Savoie et de l’abondance. 90% des reblochons fermiers viennent de cette belle région du massif des Aravis. Pendant deux jours, j’en ai découvert plus sur la fabrication de ce fromage tout en profitant des alpages, magnifiquement fleuris.
Dans cet article, je vous propose de vous raconter l’histoire du reblochon mais aussi de vous emmener à Annecy, à la ferme des Corbassières, dans les caves de l’artisan affineur Joseph Paccard, à l’auberge de Plan Bois à la découverte d’une autre spécialité locale et à l’hôtel-restaurant Les Sapins à Manigod. Suivez-moi !
L’histoire du reblochon
Le reblochon est un fromage à pâte pressée non cuite, au lait cru de vache. Il existait déjà aux XIIIe et XIVe siècles. Les vaches qui donnent du lait utilisé pour faire le reblochon sont les Abondances, les Montbéliardes et les Tarines.
À l’origine, il existait un impôt, prélevé une fois par an, sur le lait, en fonction de la production sur une journée. Pour payer moins d’impôts, lorsque venait le moment d’évaluer le montant de la taxe, les producteurs ne faisaient qu’une partie de la traite, ou de la « bloche ». La seconde traite, la « rebloche », quand le contrôleur était parti, donnait le lait qui servait à faire un fromage bien particulier : le reblochon, caché dans la cave du dessous. Le reblochon pouvait s’échanger contre d’autres marchandises.
La recette traditionnelle utilisant le reblochon était la pela, une fricassée de pommes de terre. La tartiflette n’est pas un plat traditionnel mais est une invention récente. En patois, tartifle veut dire pomme de terre.
Le reblochon en chiffres
Le reblochon, ce sont 16 000 tonnes produites par an et 5 000 personnes qui en vivent directement ou indirectement. Il faut au moins 40 vaches pour en vivre.
16% des fromages produits sont fermiers et 84% laitiers. Les reblochons fermiers ont une pastille verte et sont fabriqués à la ferme à partir du lait d’un même troupeau, au fil des traites. Les reblochons laitiers ont une pastille rouge sont issus d’assemblages de laits de plusieurs troupeaux et produits en fromagerie.
Sur les traces de la fabrication du reblochon, à la ferme des Corbassières
Les vaches sont en pâturage au moins 150 jours par an. Chacune boit 100 litres d’eau par jour (!). Une vache produit 10 litres de lait le matin et 10 litres le soir. Il faut compter quatre litres de lait pour faire un reblochon.
À la ferme des Corbassières, nous avons assisté à la fabrication de reblochons. Cela a été l’occasion de nous en expliquer les différentes étapes : emprésurage, découpe du caillé, répartition, moulage et retournement, pose de la pastille d’identification, pressage à l’aide de disques en plastique et en inox, salage et affinage. Si le détail vous intéresse, vous le trouverez plus précisément sur le site dédié.
On nous a parlé présure naturelle, qui fait cailler le lait, lactosérum, le petit lait, souvent redistribué aux vaches, etc.
Nous avons vraiment été impressionnés par le coté physique du métier. Le brassage « à la main » ou encore la découpe du caillé occasionnent une bonne séquence d’exercice, dans un environnement humide. La suite doit se faire rapidement aussi. Les reblochons sont moulés à deux, de façon rapide et agile, pour que cela ne prenne pas trop de temps. De façon plus générale, à la ferme, une personne s’occupe des vaches et une autre assure la fabrication des fromages.
La fabrication du reblochon fait intervenir une toile pour son égouttage. Si vous en voyez sécher près d’une ferme, cela peut être un indice ! Après fabrication, les reblochons, qui comportent beaucoup d’eau, partent sur un séchoir. Ils y sont retournés tous les jours pendant une semaine avant de partir en affinage.
Que ce soit à la ferme ou dans les caves d’affinage, nous avons beaucoup parlé de l’épicéa, le bois, qui n’est jamais traité, sur lequel reposent les reblochons. Ces fromages préparés de façon traditionnelle s’égouttent sans coller sur des planches d’épicéa, qui luttent naturellement contre la listeria et créent un climat favorable pour les bactéries. Une dérogation européenne a été obtenue pour cela car le bois est interdit par ailleurs dans l’alimentaire.
Nous avons appris qu’il n’y avait que trois semaines dans l’année pour couper les épicéas, en fonction de la lune. Il s’agit même plus précisément des 15 derniers jours de la lune descendante du mois de décembre. Avant ou après, le bois coupé n’a pas du tout les mêmes qualités. La raison ? La lune a une incidence sur tout ce qui est constitué d’eau.
La tomme qui vient d’être faite s’appelle la tomme blanche, même si elle deviendra reblochon.
Si vous voyez que la pastille de votre reblochon est marquée « 241 », c’est qu’il vient de la ferme des Corbassières !
L’affinage des fromages fermiers de Savoie expliqué par Joseph Paccard, artisan affineur
Nous sommes allés visiter le lendemain les caves de Joseph Paccard, artisan affineur de fromages fermiers de Savoie. C’est une visite que chacun peut faire (ma sœur y est déjà allée par ses propres moyens par exemple). Nous en avons appris plus sur l’affinage mais aussi sur le fromage en général.
Joseph Paccard affine les reblochons d’une quinzaine de producteurs mais aussi d’autres fromages fermiers : raclette de Savoie, tomme de Savoie, etc.
Il n’existe pas d’école d’affinage : le métier s’apprend par la transmission en douceur et par l’expérience.
Les fromages ne sont pas travaillés avec des gants, qui ne permettent pas de ressentir quoi que ce soit et peuvent être contre-productifs. En effet, en bactériologie, il est prouvé qu’il est meilleur de travailler à la main et sans excès de zèle et de nettoyants. Il est nécessaire d’être propre mais pas d’évoluer dans un environnement stérile. Les bonnes bactéries gagnent sur les mauvaises. On en revient aux bénéfices de l’épicéa dont je parlais plus tôt dans l’article. Dans les caves, le bois neuf se met au milieu de l’ancien pour créer un environnement bactériologique optimal.
Chaque fromage est unique et l’affineur lui apporte les soins qu’il demande. Il est d’ailleurs mis à telle ou telle hauteur selon la façon dont il est ressenti. Dans la cave, l’air ambiant est humidifié sans que cela fasse de l’eau. La voûte permet d’ailleurs à l’eau de couler le long du mur et non sur les fromages en cours d’affinage. Les bactéries circulent naturellement.
Les reblochons demandent des soins une à deux fois par jour. Après avoir passé huit jours chez producteur, ils en passent quinze en cave. C’est à température basse que les ferments se développent bien. Le 1er allié est le froid et le 1er ennemi le sec. Après avoir été emballés, ils repartent passer un petit séjour à 4 degrés. Le reblochon est vendu à partir de 40-45 jours d’affinage. La traçabilité est assurée.
La manigodine, fromage qui doit son nom aux habitantes de Manigod, a été la carte de visite pour exporter du fromage aux États-Unis. Il est d’ailleurs possible d’exporter des fromages au lait cru outre-Atlantique, à partir de 60 jours. Les reblochons ne se trouvent donc pas aux États-Unis car leur durée de vie est d’un mois et demi grand maximum.
Les fromages affinés chez Paccard sont ensuite commercialisés chez 1000 fromagers et crémiers… donc un peu partout et jusqu’à Saint-Brieuc, pour ne citer que cette ville bretonne.
En parcourant les caves, nous avons vu du Beaufort en cours d’affinage pendant deux ans et des fromages de 35 à 40 kgs !
Au frigo, il est fortement conseillé de garder le fromage dans son emballage et dans une boîte pour garder l’humidité. Le fromage peut se congeler mais il est recommandé de le faire vraiment rapidement.
Pour bien goûter le fromage, il faut le faire sans pain ni vin. Le meilleur allié pour le déguster est la pomme, qui permet de redémarrer avec une bouche neuve à chaque fois. On commence par la pâte puis la croûte puis les deux ensemble.
Le reblochon peut évidemment se croquer seul et être proposé sur un plateau de fromage. À cette saison, le goût des fleurs mangées par les vaches a son impact sur le fromage. Il se déguste aussi avec des fruits secs, dans une fondue savoyarde avec d’autres fromages savoyards ou dans une recette.
Un dîner à la ferme des Corbassières
À la ferme des Corbassières, après avoir assisté au début du processus de confection des reblochons, nous avons dîné d’une traditionnelle reblochonnade. C’est la première fois que j’en mangeais. Au menu : pommes de terre, reblochon et salade verte. Si je n’ai pas abusé pour ménager mon estomac capricieux, je me suis régalée.
La ferme des Corbassières a le label du réseau bienvenue à la ferme, délivré aux fermes auberges qui proposent au moins 60% de produits locaux. Vous pouvez y déguster le même dîner que le nôtre, sur réservation. Le menu est unique (26€).
La ferme des Corbassières
98 chemin du Var
74220 La Clusaz
La page Facebook de la ferme
Un déjeuner à l’auberge de Plan Bois
Avant de quitter les alpages, nous sommes allés déjeuner à l’auberge de Plan Bois, une adresse typiquement savoyarde. Nous nous sommes installés en terrasse et avons profité des fleurs et des montagnes.
Cela a été l’occasion de découvrir une spécialité : le matafan. Il s’agit d’un beignet de pommes de terre. Ceux de l’auberge Plan Bois ne sont vraiment pas gras et sont surtout un pur délice. J’ai adoré !
La formule beignets de pommes de terre – salade est proposée à 12€. Celle qui comprend également du jambon cru est à 15€.
À la fin du repas, j’étais bien nourrie ! Nous avons partagé à deux ou trois un tartelette aux myrtilles. Les desserts sont proposés 5€.
Auberge de Plan Bois
Col de Plan Bois
74230 Manigod
La page Facebook de l’auberge
Un séjour à l’hôtel-restaurant Les Sapins à Manigod
À Manigod, nous avons séjourné à l’hôtel-restaurant Les Sapins. Nous y avons déjeuné, petit-déjeuné et dormi. L’établissement semble assez connu : il était très fréquenté pendant midi et ma sœur m’a dit y être déjà allée.
La vue depuis le sauna est propice à la rêverie.
Notre déjeuner à l’hôtel-restaurant Les Sapins
Mon repas lors de ce séjour en Haute-Savoie a débuté par un cocktail de fruits.
En entrée, on nous a servi un pressé de tomates confites accompagnée de reblochon pané. Le tout était original et vraiment délicieux.
Nous avons poursuivi avec une pièce de bœuf et son gratin. Des valeurs sûres !
En fromage, j’ai eu envie de goûter des spécialités que je ne connaissais pas forcément.
J’ai découvert le persillé de Tignes (la station de ski dans laquelle nous avons séjourné une semaine en avril durant toute mon adolescence ♥), un fromage qui vient de la Tarentaise et d’un mélange de laits de chèvre et de vache. Seule une ferme en produirait encore…
J’ai aussi opté pour de la tomme au Génépy, un fromage au lait entier de vache pasteurisé auquel est ajouté de la liqueur.
En dessert, on nous a servi un parfait glacé au Génépy.
La vue depuis la terrasse de l’hôtel-restaurant est juste parfaite.
Le petit-déjeuner à l’hôtel-restaurant Les Sapins
Le buffet du petit-déjeuner était bien garni : œufs, fruits, fromage, etc. Après notre dîner, je n’ai pas été très gourmande et ai conjugué tisane à la menthe poivrée, banane, brioche et cake marbré au chocolat (assez divin, je dois dire !).
Ma chambre
J’ai séjourné au 3e étage, dans une chambre très douillette avec son balcon et sa jolie vue du côté de l’entrée de l’hôtel. Le grand lit était confortable et la salle d’eau très récente. La vaste douche moderne était un vrai plaisir à utiliser !
Hôtel-restaurant Les Sapins
Col de la Croix Fry
74 Manigod
Le site de l’hôtel-restaurant
Annecy, point de départ de notre escapade
Pour me rendre au pays du reblochon, j’ai pris le train pour Annecy. Voilà bien longtemps que je n’étais pas retournée dans la Venise des Alpes. Je crois même que tous mes passages dans cette jolie ville datent de mon adolescence, et donc des années 90 (oups !). La vieille ville et ses canaux ont beaucoup de charme.
La route en direction des alpages nous donne de jolies vues sur le château de Menthon-Saint-Bernard, qui aurait inspiré le château de Blanche-Neige. À noter sur ma liste des lieux à découvrir un jour !
J’ai bien conscience de vous avoir écrit un roman. J’espère en tout cas que cet article vous aura intéressés, que vous souhaitiez en savoir plus sur le reblochon ou, plus généralement, que vous ayez envie de vous rendre dans les alentours de Manigod en Haute-Savoie ! Comme toujours, n’hésitez pas à me faire part de vos remarques ou expériences en commentaire.
Bonne journée fromagère !
Cet article vous a plu ? Épinglez-le sur Pinterest !
Merci à Anouck, Anaïs, Bernard et tous les professionnels rencontrés pour ces deux jours et ces belles découvertes !
Retrouvez tous mes billets « Escapades en France » sur une carte :